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Nouvelle ère dans la navigation

En 2019, le Danemark a mis à l’eau le plus grand ferry électrique au monde. Les batteries ont été conçues par l’entreprise suisse Leclanché, l’entreprise leader mondiale pour les solutions de stockage de l’énergie. Lorsque Anil Srivastava parle de son premier trajet avec « Ellen », ses yeux s’illuminent. Le CEO très écologique n’a pas seulement de grandes ambitions pour Leclanché, il s’engage aussi contre le changement climatique. Dans l’entretien, il raconte comment est né le projet du ferry électrique et quels en ont été les défis.

Texte: Katharina Rilling, Studio Edit

Anil Srivastava, vous étiez dès le départ sur le projet du ferry électrique Ellen. Vous étiez excité ou détendu ?
Anil Srivastava : J’étais comme un enfant dont le rêve devient réalité ! Une idée s’est concrétisée en seulement quatre ans. Ce fut incroyable : tout était calme à bord, même par vitesse de pointe, et l’air était propre. On ne sentait ni essence ni gaz d’échappement comme c’est normalement le cas avec les ferrys.

Ellen – d’où vient ce nom ?
Anil Srivastava : En 1903, le premier ferry à vapeur qui voyageait vers le Danemark s’appelait Ellen – une grande innovation autrefois. EL est de plus l’abréviation danoise pour Electricity. Nous avons joué avec ces deux faits et avons nommé la nouvelle grande innovation la même chose.

Le système de batterie avait été fourni par vos soins. Quel rôle souhaite jouer Leclanché dans la lutte contre le changement climatique ?
Anil Srivastava : Le projet Ellen nous a permis de montrer que nous sommes aujourd’hui en mesure de remplacer les moteurs thermiques à combustibles fossiles par de l’énergie propre. Nous pouvons ainsi fournir une contribution contre le changement climatique et la pollution pour le bien de notre population. Il s’agit pour nous de faire réellement quelque chose et non d’avoir l’air vert grâce à des communiqués de presse prestigieux.

Vous trouvez que les contributions sont suffisantes ?
Anil Srivastava : Chaque personne est responsable de fournir une contribution. Nombreuses doivent être les personnes qui doivent interagir pour gagner la lutte contre le changement climatique. Mais probablement qu’une personne doit en prendre la tête. Je ne comprends par exemple pas pourquoi l’État suisse n’a pas encore remplacé les ferrys traditionnels sur les lacs par des ferrys électriques. Cela ne poserait aucun problème, on pourrait le faire d’un jour à l’autre. Délivrons nos lacs à 100% du diesel !

Quelles sont vos contributions personnelles en faveur de l’environnement ?
Anil Srivastava : En 2007, j’ai abandonné un très bon emploi dans le secteur high-tech parce que j’avais décidé de travailler le reste de ma vie dans un des quatre secteurs qui ont une influence sur la vie humaine : l’alimentation, la santé, l’énergie ou l’eau. Le défi commun de ces secteurs est le changement climatique. Je voulais faire partie de ces secteurs parce qu’ils permettront j’espère de stopper le changement climatique. Je passe ma vie depuis un bon moment déjà à la résolution de ce problème.

«J’oriente ma vie en fonction du changement climatique»

Anil Srivastava, CEO de Leclanché SA

Êtes-vous plutôt optimiste ou très préoccupé quand vous pensez au changement climatique ?
Anil Srivastava : Je suis optimiste. Mes deux fils sont nés dans les années 90 et je vois les nouvelles perceptions en eux. Ils se sentent beaucoup plus responsables de ce monde et vivent plus consciemment que ma génération. Ils ne recyclent pas parce que la loi le prescrit, mais parce que c’est judicieux et qu’il faut le faire. Cette génération et les suivantes sont mon grand espoir.

Qu’en est-il des batteries du point de vue éthique ?
Anil Srivastava : Nous devons réaliser une chose : pour pouvoir produire de l’énergie, nous devons utiliser autre chose. C’est une loi physique, il en a toujours été ainsi. Mais je l’avoue, de nombreuses erreurs ont été commises par le passé. Nous devons en tirer des leçons. Je pense par là essentiellement à une acquisition responsable des ressources. La commission de l’UE soutient déjà les entreprises dans le fait de s’informer davantage sur l’origine des métaux et des minéraux. Si les consommateurs de batterie veulent des sources plus durables et éthiques, cela aura un impact positif sur les conditions de travail dans les mines. Chacun doit payer un petit supplément pour qu’un salaire adéquat puisse être versé. C’est de notre responsabilité. Mais on ne peut pas discuter le fait qu’on a besoin de quelque chose pour produire de l’énergie.

Ellen résulte de l’initiative européenne e-ferry qui a été encouragée dans le cadre du programme Horizon 2020 de la commission européenne au moyen de 15 millions d’euros. Pourquoi ce projet a-t-il été lancé ?
Anil Srivastava : Il ne s’agit pas seulement de compétitivité, bien que le ferry soit rentable. Il faut voir la situation dans son ensemble. En 2017, environ 27 % des émissions de gaz à effet de serre dans l'UE-28 proviennent du secteur des transports. Les voitures produisent environ 12 % du total des émissions de gaz à effet de serre de l'UE, tandis que le transport maritime international est responsable de 5 % de ces émissions. Il serait donc très important de prendre des mesures concernant les voitures, mais il faudrait pour cela convaincre des millions de personnes. Il est beaucoup plus simple et rapide de changer les flottes de véhicules comme les ferries. Analysons maintenant l’efficacité énergétique : un moteur classique nécessite 2000 kilowatts pour un trajet de 13 milles nautiques. Nos ferrys n’ont besoin que de 800 kilowatts. 800 plutôt que 2000. Le calcul est vite fait !

Comment avez-vous vécu le programme ?
Anil Srivastava : De manière mitigée (rire !). Ce projet d’innovation devait permettre de tester si un ferry performant complètement électrique pouvait être construit. La question principale était la suivante : est-ce possible ? Serait-il sûr ? Serait-il rentable ?

Pourquoi de manière mitigée ?
Anil Srivastava : Tout a dû être conçu dans son intégralité. Rien que le design était déjà un grand défi en soi.  L’électricité ne convenait à aucun bateau existant. De plus il a fallu augmenter l’efficacité. Et de nombreuses questions de sécurité ont dû être traitées, comme : où s’échappe le gaz si un incendie se déclare ? Des problèmes surviennent toujours lorsqu’on crée quelque chose de A à Z. Chez nous, ce fut avec l’interface entre la batterie et le système d’entraînement. Nous nous y sommes mis aussi un peu tard, mais le travail d’équipe avec Danfoss et Visedo a bien fonctionné, ce qui nous a permis de nous imposer face à de grandes entreprises mondiales.

 

La technologie des batteries au lithium est déjà bien avancée et il y a peu de potentiel d’optimisation. Avec quoi avez-vous su convaincre ?
Anil Srivastava : Notre principal avantage a été notre innovation autour de la sécurité. Grâce à notre système de « Foam Extinguishing System », le feu ne peut pas se déclencher dans la batterie. Expliqué simplement, ce système fonctionne comme suit : si la température grimpe à un endroit quelconque dans la batterie, elle est automatiquement refroidie par le biais d’une injection de mousse dans l’enveloppe de la batterie ininflammable. De cette manière, tout feu potentiel est étouffé dans l’œuf.
La sécurité est très importante pour les ferrys : dans un bus électrique, on peut éteindre plus facilement un incendie et évacuer plus rapidement les passagers. Mais comment quitte-t-on le plus rapidement possible un ferry ? Les bateaux de sauvetage sont la dernière solution.

J’ai l’impression qu’après des années difficiles votre entreprise est à nouveau sur la bonne voie.
Anil Srivastava : Nous sommes entrés sur le marché des véhicules de flotte en 2018. Aujourd’hui, nous avons des commandes de plus de 25 véhicules. Ce qui montre qu’il y a un grand besoin de de notre technologie sur le marché. Nous garantissons 4 500 recharges jusqu’à ce que la batterie soit déchargée. La plupart des batteries asiatiques tiennent deux fois moins longtemps. Les véhicules de flotte marins ont justement besoin de solutions haute performance et nous pouvons les offrir. Je suis donc très confiant. Dans le business du transport maritime, nous avons le carnet de commande le plus épais par rapport aux autres concurrents du monde entier et des commandes assurées pour environ 120 millions de francs au total.

Quelle est votre vision ? Des mers sans diesel ?
Anil Srivastava : Pour les plus petits trajets, on pourra passer toutes les flottes à la mobilité électrique. Mais pour les plus longues distances, il faudra d’abord fonctionner sous forme hybride. La technologie actuelle ne permet pas de naviguer de l’Europe à la Chine seulement avec des bateaux électriques.
Mais je suis sûr qu’il y a de grandes perspectives. 

Le ferry électrique « Ellen »

Trajet : Søby–Fynshav (Danemark)
Vitesse : jusqu’à 14 noeuds
Capacité : 31 voitures / 4 camions et 8 voitures / 150–200 personnes

« Ellen » a une capacité sept fois plus élevée que les ferries traditionnels entièrement électriques et peut parcourir près de 41 km d'un coup. C'est suffisant pour le trajet de Fynshav à Søby et retour. La batterie est rechargée avec une puissance record de 4,4 mégawatts dans le port de Søby en 20 à 30 minutes.

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Dernière mise à jour: 05.02.2020