Elena, qu’est-ce qui t’a poussée à étudier la construction de machines ?
Quand j’avais 10 ans, je voulais devenir astronaute. Plus tard, à l’école, je me suis intéressée à la physique et participé au concours scolaire « La jeunesse cherche ». J’ai eu par là la possibilité de faire un stage au réacteur à plasma de Greifswald. Ce fut certes intéressant, mais aussi très théorique. J’ai vite remarqué que cela ne me suffisait pas d’évaluer des données. Je voulais faire quelque chose qu’on puisse voir et saisir. C’est ainsi que j’ai fini par en arriver à la construction de machines.
Qu’est-ce qui te fascine dans la technique ?
Ce qui me plaît, c’est quand je peux développer quelque chose depuis la base – de la première vis au produit fini – et qu’ainsi le jeu de tous les composants devient visible. Ce qui est fascinant dans la construction de machines, c’est qu’on peut comprendre avec les mains et les yeux comment quelque chose fonctionne ; comment un mouvement se transmet par des roues dentées ou comment un moteur entraîne quelque chose.
À côté de tes études, tu t’engages chez « Swissloop Tunneling » et développes, avec quelque 50 autres étudiants, le robot de forage de tunnels le plus rapide du monde. Comment en es-tu arrivée là ?
En raison du Corona, tous les projets ont été subitement gelés à l’ETH et l’enseignement n’a plus eu lieu qu’en ligne. J’ai trouvé ça très dommage. Dans les études, il y a beaucoup de théorie. Il est d’autant plus important de récolter aussi entretemps des expériences pratiques et de procéder à des échanges dans des équipes interdisciplinaires. « Swissloop Tunneling » offrait cette possibilité. Le projet était nouveau et tout était encore possible. Je m’annonçai et acquis les connaissances spécialisées manquantes par des recherches sur Internet. Je dirige aujourd’hui l’équipe hydraulique.
Pourquoi a-t-on besoin d’hydraulique ?
D’un côté pour l’entraînement : notre foreuse se meut comme un ver à travers la terre. Un segment est fixé contre la paroi du tunnel et un deuxième pousse la machine en avant. D’un autre côté pour le mécanisme de direction à l’avant de la machine : il se compose de deux plateformes reliées entre elles par six cylindres. Par cet aménagement comme pour un hexapode, la machine a six degrés de liberté. Elle peut se mouvoir dans toutes les directions possibles et tourner sur son propre axe. Le même système est aussi appliqué par exemple dans les simulateurs de vol.
Qu’est-ce qui est innovatif dans votre approche ?
L’innovatif dans notre méthode est le « Tunnel Liner ». Dans la construction de tunnels on lutte en général contre la terre, l’eau et les pierres qui peuvent tomber dans le tunnel lors du forage. Notre machine construit, en même temps qu’elle perce le tunnel, une paroi du tunnel épaise de 13 millimètres en matière plastique. Cela se passe avec la technique d’impression en 3D. Il faut se représenter ça un peu comme la cuisson de gâteaux à la broche. La pâte molle est enroulée autour d’une broche et ensuite cuite afin qu’elle durcisse. La même chose se passe avec notre plastique. Il est réchauffé pour qu’il durcisse. Ensuite la broche – ou dans notre cas la machine peut être retirée et le gâteau, ou justement la paroi du tunnel, garde sa forme.
Ces prochaines semaines arriveront les derniers tests. Qu’est-ce qui est encore vérifié ?
Toute la machine longue de sept mètres est assemblée pour la première et il est alors foré un trou dans des conditions réelles. Les différents sous-systèmes de la machine ont certes été testés régulièrement, mais il faut maintenant encore examiner comment ils fonctionnent ensemble. Il s’agit de questions comme la vitesse : à quelle vitesse dois-je pousser derrière afin que la paroi du tunnel ait assez de temps pour sécher ? Ou des questions de sécurité : dans quelles conditions la machine doit-elle se déclencher ? Nous savons certes qu’avec le mécanisme de commande nous pouvons naviguer et que notre machine peut broyer des pierres – mais comment tout cela fonctionne ensemble, ce sont seulement ces tests qui nous le montreront.
Qu’attends-tu du concours ?
Ce serait naturellement magnifique que nous décrochions la première place. Pour cela, nous devrions forer le plus rapidement et avec le plus de précision. Mais le classement est finalement sans importance. Il s’agit d’être là, de rencontrer des gens, de recueillir des expériences et de créer de soi-même quelque chose qui fera peut-être avancer un peu l’humanité.
Combien est-il important que ton travail ait une influence positive sur la société et l’environnement ?
C’est très important pour moi. J’aimerais bien laisser quelque chose à l’humanité. Peut-être bien qu’un jour plus personne ne se souviendra de moi, mais ce n’est pas si grave. Mon travail doit en revanche avoir de l’effet après ma mort. Je désire vraiment réussir à développer quelque chose contribuant au bien de tous. Si c’est le cas, j’ai atteint mon but.
Qu’y aura-t-il ensuite pour toi ?
Le prochain semestre, je participerai à un projet relatif à « Space Crab », Space climbing robot. Le but de ce projet est de construire un robot pour explorer d’autres corps célestes – par exemple des planètes, des lunes ou des astéroïdes. Il ne doit pas s’agir en l’occurrence d’un Rover classique, mais il doit se déplacer sur des membres pour pouvoir examiner des contrées si difficilement accessibles. Après un détour sous la terre, on va donc maintenant dans l’univers.
Ton rêve d’astronaute n’est donc pas encore complètement éteint ?
Non, certainement pas. Le but final, depuis que j’ai 10 ans, est resté le même. Pour la motivation, je trouve très important qu’on ait dans la vie un rêve inaccessible à la réalisation duquel on travaille. Que l’on réalise ce rêve à la fin vient au second plan. Peut-être que je n’irai jamais dans l’univers, mais si plus tard je peux construire des fusées, je serai déjà très heureuse.